Écrit par : Marielle Potvin
Léa est maintenant assez grande pour apprendre à skier. Elle vous accompagne sur les pentes, où vous la confiez à un moniteur : « Bienvenue, les enfants. Ici, vous apprendrez à skier en skiant. Nous n’allons pas perdre notre temps à voir avec chacun ce qu’il devrait faire, et comment le faire. Vous apprendrez en observant et en pratiquant. À la fin de la saison, vous devriez être en mesure de dévaler les pentes de niveau intermédiaire. Allez, on commence, faites comme moi ! »
Première leçon : on descend la pente. Sophie arrive à peine à se tenir debout, mais William semble plus habile, il ne perd pas l’équilibre. Il faut dire qu’il s’est entraîné un peu avec son papa, avant le premier cours. Quant à Léa, la voilà qui pleure; elle ne comprend pas comment on peut rester debout sur des skis.
Quelques samedis plus tard, certains, comme Sophie, continuent à faire de légers progrès, William et d’autres amis songent déjà aux Jeux Olympiques, alors que Léa informe ses parents qu’elle ne veut plus JAMAIS revenir.
Nous voici arrivés à la fin de la saison. Le moniteur fait l’évaluation de chacun : Sophie parvient à descendre la pente, mais échoue parce qu’elle a maintes fois chuté. William réussit haut la main mais Léa ne parvient toujours pas à se tenir debout durant plus de trente secondes. Ses parents ne la trouvent pas bien talentueuse. Et pourtant…
Tout comme chaque manœuvre doit être enseignée de façon explicite lorsque l’on enseigne le ski, pourquoi n’en serait-il pas de même pour chaque apprentissage ?
Et si on leur montrait comment apprendre, à ces enfants ? Si on leur enseignait de façon très claire comment être attentif, mémoriser des informations et comprendre ?
Avec tout ce qu’on connait maintenant au sujet du processus d’apprentissage (les moyens d’apprendre) nous pourrions donner aux petits William, Sophie et Léa de bien meilleures chances de réussir.
En effet, il est maintenant possible d’enseigner aux élèves à mieux utiliser leur potentiel. Voici comment, en deux exemples :
Nous devons plutôt lui expliquer comment être attentif, en lui expliquant qu’il s’agit de regarder, plutôt que simplement voir, écouter plutôt que simplement entendre. Une fois qu’il saisit la nuance, on peut alors lui proposer de regarder et écouter, avec l’intention de reproduire dans sa tête ce qu’il a regardé et entendu, même quand l’objet de cet apprentissage aura disparu. Même quand il ne pourra plus le percevoir.
Quelques activités d’entrainement seront nécessaires, mais les progrès ne se feront pas attendre, au même titre que certains mouvements sportifs bien expliqués permettent de s’améliorer en ski ou en natation.
C’est plus facile qu’on le pense ! Une fois que l’enfant sait être attentif, on lui propose de mémoriser des objets d’apprentissage (que ce soit des tables de multiplications ou les capitales d’un pays) en s’imaginant qu’il va avoir besoin de ces informations dans un avenir plus ou moins rapproché. Ce n’est que de cette façon que les apprentissages seront stockés dans la mémoire à plus long terme.
On ne peut pas mémoriser en ne faisant que voir des informations (les tables de multiplication, disons) et en les récitant tout bêtement en pensant à autre chose. Non. Nous devons, enfant comme adulte, utiliser notre imagination et la mettre au service de notre mémoire. Je donne souvent l’exemple du nom d’une personne ou d’un numéro de téléphone important que nous devons retenir, sans papier ni crayon…
S’il s’agit du nom d’une personne que l’on doit contacter pour obtenir l’emploi de nos rêves, ou encore d’un numéro de téléphone que l’on va devoir composer le lendemain pour obtenir quelque chose de vraiment important pour nous, nous nous mettrons instinctivement dans la situation imaginaire dans laquelle nous aurons besoin de cette information. Nous nous visualiserons en train de composer le numéro et celui-ci collera littéralement à notre mémoire. Nous poserons des gestes mentaux concrets (s’imaginer en train d’en avoir besoin, faire des associations ou utiliser des trucs mnémotechniques) et nous nous en rappellerons le moment venu. Essayez et vous verrez le résultat !
Ce ne sont ici que quelques exemples que je vous propose, afin d’illustrer comment nous sommes maintenant en mesure d’aider tous les enfants et élèves à réussir, dans la mesure où nous leur montrons comment procéder.
C’est Antoine de La Garanderie qui a élaboré la théorie pédagogique des « gestes mentaux d'apprentissage », dite « gestion mentale », dans laquelle il réfléchit sur les motifs de la réussite et de l’échec des étudiants, en mettant en évidence les différents gestes mentaux intervenant dans la réflexion et l'apprentissage.
Plus près de nous, nous devons à José Racicot, orthopédagogue, d’avoir su si bien vulgariser, pour les parents et les enseignants, cette pratique de la gestion mentale. Dans son livre intitulé : « J’apprends à penser, je réussis mieux », elle nous fait part des moyens qui nous permettront de mieux soutenir les enfants en difficultés scolaires, un peu comme si le moniteur de ski avait expliqué à Léa tout ce qu’elle devait faire pour parvenir à descendre une pente avec habileté et plaisir.
Sur son blogue, José Racicot nous propose aussi des formations, et je peux vous dire, pour y avoir déjà participé, que les connaissances que nous pouvons y acquérir peuvent véritablement aider un parent ou un enseignant à mieux accompagner son enfant ou ses élèves à apprendre à apprendre.
Savoir comment être attentif, réfléchir, mémoriser, comprendre. Toutes ces habiletés donneraient aux enfants, trop souvent aussi démunis devant leurs travaux scolaires que la petite Léa l’était en haut de la pente, les clés de la réussite scolaire.